La fiancée en prison
La prison est lieu sûr
mécanique de haute précision
agencée pour faire retourner à l’état de fœtus
le « pensionnaire »
briser l’échiné
involuer la voix éteindre les yeux Crève
oublie
feu sur ta passion ! Ton peuple
rien
un troupeau hilarant soumis ataviquement
vive ! Ça ne fait rien
Demain
S’il plaît à Dieu Tes idées
de la pisse de tortue des idées quoi
importées, téléguidées Et toi sans racines
inauthentique prophète à la petite semaine pour tout dire terroriste
désarmé
Tiens
écris demande grâce
grâce ou alors
crève
feu sur ta passion !
La prison est lieu sûr plombé immunisé infra-monde
cimetière du cri Là
ta deuxième naissance ardente fiancée en transe de don Tu arpentais ta cellule ou bien la minuscule cour de la promenade Tu te fis poétesse
(Qui de nous n’est pas poète lorsqu’il enlace les barreaux et tend l’oreille à cette rumeur diffuse et solennelle que seul un prisonnier qu’anime un grand amour peut entendre battre quelque part dans le continent étrange de son corps sismographe ?)
Tu réveillas tout doucement en toi cette faculté naturelle de la nostalgie heureuse tendue sur la rose du temps En fredonnant quelques airs têtus tu retrouvas le secret de la musique éternelle Tu ouvris des livres
pour voir les rapports qu’ils entretiennent avec la vie les luttes qui la rendent justifiée et belle Et de ton peuple jamais tu ne te séparas car née de sa douleur de sa vague la plus profonde matrice de sa houle Et voilà que chaque nuit tu t’échappais de ta cellule petite étoile irrépressible tu allais rejoindre des milliers d’autres étoiles fraternelles
évadées à l’heure dite
des prisons d’ici ou d’ailleurs
(Casablanca – Kénitra – Abou Zaâbal – Asqalan1…)
ensemble vous formiez
la constellation de l’espoir