La guerre d’amour
Entre nous
cette brûlure
quand nos mains sont enchaînées
Entre nous
cette soif
quand l’eau multiplie la soif
Entre nous
le désir qui sépare
Voici mon cou
frappe et tranche
il n’y aura pas de sang
mes yeux resteront ouverts
et doux
l’étrange sourire du pendu
étincellera sur mes lèvres
ma tête
ne prendra pas beaucoup de place
dans ton lit
tu ne douteras plus de moi
Ne m’en veux pas
d’être l’ombre
dont se repaît la lumière
Ce mur que tu ne traverses
est un miroir vermoulu
il suffit d’une pression
de tes mamelons dressés pour qu’il s’écroule
La folie
raison de plus
Le fleuve te ressemble
il a l’ondoiement de tes courbes
la malice de tes poissons
les berges grasses de ta vulve
les saules pleureurs de tes cils humides
les mouettes convulsives de tes reins
il a ton cri étouffé
et tes larmes
quand je te somme de te retenir
afin de ne pas déranger les voisins
Me sont blessure
le parfum scandaleux de
ces lis cette chevelure qui n’en finit pas
d’ameuter les morsures
La pluie
nous surprendra
nous nous déshabillerons
nous étalerons nos branches
nous sortirons nos feuilles
nos bourgeons
nous déploierons nos racines
nous préparerons nos fruits
les arbres
nous reconnaîtront pour leurs
Le désert nous surprendra
tu seras ma chamelle
ou mon guide
je sortirai ma flûte
nous laisserons pousser nos cheveux
une oasis naîtra
de cette bonté
L’amour nous surprendra
à deux pas de l’enfer
Le plus bel enfer
des êtres marqués
à la gorge éblouie éblouissante
aux narines de faucon pris au piège
aux pupilles égarées
dans la montée intrépide du désir
ce voyou
Ma tête a blanchi, mon amie
tout d’un coup
Cela s’est passé
comme toutes les choses de chez nous
Là-bas
il n’y a ni printemps
ni automne
il n’y a que l’impitoyable été
et le rude hiver
Je me suis toujours soumis
à tes larmes
Qui aime
en moi
Qui m
e tue ?
S’il n’y avait
que ton désir dans le miroir
j’aurais les traits
de ton visage d’adolescente
tu serais de nouveau violée
sous les yeux crevés d’Œdipe
ton ventre
redeviendrait de marbre
Sans toi
je ne pourrai pas remplir ma tombe
lorsqu’il faudra bien
se résigner au silence
Ne m’aime pas mort
mais ne jette pas mes poèmes
La bougie se consume
et me consume
quelqu’un viendra la moucher
dans mes yeux
Derrière la brume
une femme languide
allongée au soleil
sa toison s’écarte
je bois à la source brûlante
Un oiseau éclate
dans ma bouche
je ne comprends pas
Nous recueillerons
le nom du printemps
nous soignerons ses blessures
nous éloignerons de lui
les convoitises de l’hiver
mais au premier souhait qu’il formulera
nous lui rendrons sa liberté
Nous y voilà
nulle part
Cette terre est belle
disait mon grand frère
turc mais qui la suit du regard
dévore l’ascension de ses jambes
la chute vertigineuse de ses
reins la fraise énigmatique de son sourire
ses ongles rongés jusqu’au sang Qui en croit encore ses yeux ?
La terre
me fait tourner la tête
Ah si elle pouvait
être immobile et plate
Je ne suis pas
de n’importe quelle terre
la mienne est terriblement possessive
elle ne chasse
que ses amants orgueilleux
et stériles
Ma terre
est suceuse et dévoreuse
elle n’hésite pas à faire couler le sang
et saigner à son tour
Ma terre est volage
sans être oublieuse
elle adore les outrances de langage
et les délices de sodomie
C’est une barbare
qui se rit des civilités
Elle ne baise pas avec la tête
et ne prend pas la pilule
ma terre
ma putain sacrée
la dernière femme fidèle
Elle me ressemble et ne me :
C’est une terre
comme on n’en fait plus
Je ne me prosterne pas
non plus
devant le cul de ma terre
Ce pacte qui nous lie
est celui des enfants
que nous volons à
la porte des abattoirs
Quand je me noie
ma terre
ne me croit pas
Je t’attends
en ordre dispersé
je veux ne rien te dire
je veux que tu comprennes tout
Dos à dos
la foudre nous coulera
dans un moule définitif
Tout à toi
ma déraison
quand ta braise craque
entre les lèvres
le creux de l’oreille
et m’exile
Tu passes
caravane après caravane
comme si tu montais au ciel
pendant que je tremble
de t’avoir déjà perdue
Dans le noir
tu es plus excitante
car j’ai envie d’éclairer
J’ai appris
à offrir des fleurs
à en nommer chaque espèce
à les disposer artistiquement
dans un vase
mais je refuse d’apprendre
le langage des fleurs
Sans te regarder
je sais que tu me veux
nous parlons déjà pour ne rien dire
nous avons perdu l’appétit
nous éteignons la dernière cigarette
la pièce se met à tournoyer
le vaisseau décolle
soulevant un nuage de perdrix enceintes
C’est encore moi
qui tendrai ma main vers ton embouchure
tu dresseras la table
pour nos bruyantes ripailles
Nous ne parlons pas
le même langage
heureusement
sinon
comment pourrions-nous dialoguer ?
Je veux aimer
à ma manière
loin des yeux ou
près du cœur mes
promises dans mon épouse plusieurs en un
l’enfant, l’ami
le camarade
perdu en cours de route
ce qu’aucune femme ne peut
donner le coup de foudre
et l’habitude les transes
du désuet la présence
rassurante ce qui ressemble
à la résurrection quand il
ne reste plus rien à brûler
Je veux aimer au-delà de l’amour
Ne me caresse pas
quand j’écris
dans ma tête
Amort
Amourir
Amourant
Je t’ameurs
Toutes les guerres finissent
sauf celle
d’amour