Le poete anonyme
Est-ce ma voix
ou celle d’un poète anonyme
venant des siècles obscurs
Quand ai-je vécu
Sur quelle terre
Quelle femme ai-je aimée
De quelle passion
Et puis qui me dit
que je n’étais pas justement une femme
et que je n’ai pas connu d’homme
parce que trop laide
ou n’ayant simplement pas d’attirance
pour les hommes
Me suis-je battu
pour
contre quelque chose
Ai-je eu la foi
des enfants
Suis-je mort jeune
incompris, misérable
ou très vieux, entouré, adulé
héraut d’une tribu se préparant
à conquérir le monde
Mes œuvres m’ont-elles survécu
Ma langue est-elle morte
avant que d’être écrite
Mais d’abord étais-je aède
ou roi fainéant
prêtre
pleureuse professionnelle
navigateur
djinn ou adamite
savante aimée
jouant du luth dans un harem ?
Peut-être n’étais-je
qu’un artisan sellier
n’ayant jamais monté à cheval
et qui chantait
en trimant la sainte journée
pour que le cuir se ramollisse entre ses mains
et rende de la belle ouvrage
qu’enfourcheront les riches
Alors qui étais-je
pour que ma parole se dédouble
et que le malin sosie
qui en tient les rênes
me piège
avec cette question qui n’en est pas une :
est-ce ta voix
ou celle d’un poète anonyme
venant des siècles obscurs ?