Minuit
L’homme qui ne savait
s’il fallait rire ou pleurer
à la sortie de la citadelle d’exil
hésitait devant la porte de sa maison
Après deux heures de route
il venait de traverser Casablanca
Cela lui rappelait un film de science-fiction
qu’il avait vu dans le temps
où toute l’action se passait
dans un vaisseau spatial géant
qui renfermait une cité entière
avec ses magasins ses quartiers résidentiels
ses cafés salles de spectacle
ses voitures pour circuler dans les immenses couloirs insonorisés
Casablanca lui parut lunaire
L’atmosphère était feutrée
les lumières doublement artificielles
l’air raréfié
la circulation comme réglée par un mécanisme occulte
11 n’entendit guère de voix humaines
Le monstre semblait marcher derrière lui
alourdissait sa nuque
de son regard vitreux de cadavre
Voici la porte de sa maison
C’est bien la sienne
Sur la carte de visite
les caractères de son nom
avaient été repassés au stylo-feutre
Il reconnut l’écriture de sa femme
Sa femme
son fils sont-ils là
Quelle sera sa première parole et moi que dois-je dire en pareille circonstance « Je viens d’être libéré » « Je suis libre »
« Embrasse-moi, ne parle pas, allons voir notre enfant Il se souvint de films de guerre russes quand les soldats revenaient avec la paix l’émotion des retrouvailles les jeux de la caméra pour exprimer l’intensité des visages… Il ne sut à quel moment il pressa le bouton de la sonnette puis il se mit à battre la porte de ses deux poings et de sa voix enrouée de larmes il criait « Ouvre, ouvre, c’est moi »
Gongs d’annonce
tambours témoins battez
résonnez
battez pour le retour de l’homme qui ne savait s’il fallait rire ou pleurer Quel était donc ce monstre
qui le tarabustait de son regard vitreux de cadavre ? Dites-le mais racontez racontez l’histoire des sept crucifiés de l’espoir