Oraison
Mort printanière. Nous t’avons donné notre plus belle femme. Femme-scandale qui a osé lever la main sur le Temple de servitude. Elle avait une voix toute neuve pour chanter nos amours inédites. Elle savait prédire les tempêtes et les jours de soleil et, quand elle riait, les corbeaux de notre tristesse prenaient la fuite
Tôt levée, elle était tantôt dans les champs, traçant les sillons parfaits de la révolte, indiquant les chemins solidaires, tantôt dans les usines, offrant les muguets de la force, triant les fruits des luttes exemplaires. Dans les écoles, elle était toute fière d’être l’ambassadrice des champs et des usines Elle était dure à la tâche d’ensemencement et d’intelligence Femme-creuset. Femme peuple
Grièvement atteints
par ta faim incommensurable
nous avons divorcé avec l’oubli
Saïda
Petite sœur immaculée
épouse de la mort printanière
nous te promettons
d’être durs
impitoyables lorsque sonnera l’heure des châtiments et qu’il s’agira de traîner devant le tribunal du peuple les bourreaux de ta jeunesse Nous te promettons d’être bons
d’une extrême douceur
lorsqu’il s’agira d’édifier la patrie de la faim immortelle
Maison centrale de Kénitra, décembre 1977