Rencontre avec eva forest
Bonjour Eva
Tu ne te souviens pas de moi ?
Nous nous sommes rencontrés
au carrefour des Soleils fraternels
Un nom un peu bizarre
n’est-ce pas ?
Dans ce vieux monde
que nous avons laissé derrière nous
on ne donne de noms qu’aux rues
et les hommes s’y croisent
ne se rencontrent pas millions de parallèles
d’asymptotes dos à dos processionnaires condamnés à l’exil
Bonjour Eva
Comment vont Juan, Pablo
la petite « Mafalda »’
et ton compagnon Alfonso Sastre ?
Ceux-là
c’est toi qui me les as fait connaître
Tu parlais d’eux
formant avec toi
une étoile à cinq branches solidaires
inextinguible
L’image m’est restée
C’est que moi aussi
j’écrivais un jour
à mes trois enfants et ma compagne
que nous formions une seule main ouverte
aux cinq doigts indissolubles
C’est terrible
ce que les prisons rapprochent
Bonjour Eva
Commences-tu à comprendre
Te souviens-tu maintenant de notre rencontre ?
Nous n’avions rien à échanger de matériel
cadeaux ou souvenirs Tu avais ton
Espagne au cœur moi mon pays dans les yeux
et quand nous nous sommes quittés
au carrefour des Soleils fraternels
chacun de nous a emporté
dans son cœur et ses yeux
le long message de tendresse et d’alliance
que nous savions attendu
avec impatience
de chaque côté du Détroit
Bien à toi
Eva
Si je ferme la main
c’est pour te saluer encore
le poing levé
Ton camarade maure