Sous le bâillon le poème – 1 heure
Ils étaient sept
dans le quartier des condamnés à mort
Tous donnaient
Le numéro 7782 luttait contre un cauchemar
C’était la même scène qui revenait encore
Il était dehors
Il courait courait
dans un interminable cimetière
Des tombes de tous les âges
et ça n’en finissait plus
À l’horizon des tombes et encore des tombes
Il savait de certitude qu’il déboucherait
quelque part
qu’il rencontrerait des hommes des animaux
des maisons
mais il s’épuisait s’épuisait
finissait par trébucher
et s’étaler sur une tombe…
Alors la porte de la cellule s’ouvrait
Un gardien apparaissait
le sourire aux lèvres
Il brandissait une feuille imprimée et lui criait
« C’est la classe ! Ramasse tes affaires ! Tu es libre »
Libre Liiibre…
reprenait un chœur invisible
Il bondissait de sa paillasse
arrachait au gardien la feuille imprimée
courait vers le grand portail
qui s’ouvrait magiquement devant lui
et se refermait aussitôt
Mais de nouveau
c’était le champ interminable des tombes
de tous les âges
À l’horizon des tombes et encore des tombes
Il courait de plus belle
courait
avec en obsession la même certitude
qu’il déboucherait quelque part
rencontrerait des hommes des animaux des maisons
Mais ses forces l’abandonnaient Il finissait par trébucher et s’étaler sur une tombe…
Alors il était réveillé de ce deuxième rêve
C’était simplement sa mère
qui le secouait
lui demandait de se préparer
pour aller au travail
Une scène qu’il avait lue tant de fois
dans les manuels scolaires
Il se levait s’habillait
descendait l’escalier de la maison
La porte s’ouvrait magiquement devant lui
se refermait aussitôt
et de nouveau c’était la file interminable de tombes
Il ne pouvait plus courir
Il n’avait plus de voix
Ses forces l’abandonnaient complètement
Il s’écroulait sur le sol
ouvrait les yeux en respirant à peine
Un grand soleil glissait dans le ciel
Une pluie de feuilles imprimées descendait
en douceur
recouvrait sa poitrine haletante
ses pieds endoloris
puis petit à petit
sa face paisible
Gongs d’annonce
tambours témoins battez
résonnez
battez Quelle est la part de la réalité dans le rêve
quelle est la part du rêve dans la réalité ? Battez
résonnez
battez et que le soleil enfin nous parle