Sous le bâillon le poème – 1 heure

Abdellatif Laâbi
par Abdellatif Laâbi
0 vues
0.0

Ils étaient sept

dans le quartier des condamnés à mort

Tous donnaient

Le numéro 7782 luttait contre un cauchemar

C’était la même scène qui revenait encore

Il était dehors

Il courait courait

dans un interminable cimetière

Des tombes de tous les âges

et ça n’en finissait plus

À l’horizon des tombes et encore des tombes

Il savait de certitude qu’il déboucherait

quelque part

qu’il rencontrerait des hommes des animaux

des maisons

mais il s’épuisait s’épuisait

finissait par trébucher

et s’étaler sur une tombe…

Alors la porte de la cellule s’ouvrait

Un gardien apparaissait

le sourire aux lèvres

Il brandissait une feuille imprimée et lui criait

« C’est la classe ! Ramasse tes affaires ! Tu es libre »

Libre Liiibre…

reprenait un chœur invisible

Il bondissait de sa paillasse

arrachait au gardien la feuille imprimée

courait vers le grand portail

qui s’ouvrait magiquement devant lui

et se refermait aussitôt

Mais de nouveau

c’était le champ interminable des tombes

de tous les âges

À l’horizon des tombes et encore des tombes

Il courait de plus belle

courait

avec en obsession la même certitude

qu’il déboucherait quelque part

rencontrerait des hommes des animaux des maisons

Mais ses forces l’abandonnaient Il finissait par trébucher et s’étaler sur une tombe…

Alors il était réveillé de ce deuxième rêve

C’était simplement sa mère

qui le secouait

lui demandait de se préparer

pour aller au travail

Une scène qu’il avait lue tant de fois

dans les manuels scolaires

Il se levait s’habillait

descendait l’escalier de la maison

La porte s’ouvrait magiquement devant lui

se refermait aussitôt

et de nouveau c’était la file interminable de tombes

Il ne pouvait plus courir

Il n’avait plus de voix

Ses forces l’abandonnaient complètement

Il s’écroulait sur le sol

ouvrait les yeux en respirant à peine

Un grand soleil glissait dans le ciel

Une pluie de feuilles imprimées descendait

en douceur

recouvrait sa poitrine haletante

ses pieds endoloris

puis petit à petit

sa face paisible

Gongs d’annonce

tambours témoins battez

résonnez

battez Quelle est la part de la réalité dans le rêve

quelle est la part du rêve dans la réalité ? Battez

résonnez

battez et que le soleil enfin nous parle

Abdellatif Laâbi

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Abdellatif Laâbi

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

La poésie transcende le temps. Écrivez comme Baudelaire, commentez comme Aragon, et laissez votre empreinte.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Aucun poème populaire trouvé ces 7 derniers jours.

Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.