Sous le bâillon le poème – i
Bonjour soleil de mon pays
qu’il fait bon vivre aujourd’hui
que de lumière
que de lumière autour de moi
Bonjour terrain vague de ma promenade
tu m’es devenu familier
je t’arpente vivement
et tu me vas comme un soulier élégant
Bonjour pique-bœuf balourd et philosophe
perché là-haut
sur cette muraille qui me cache le monde
te chatouillant les côtes
à petits coups distraits
Bonjour herbe chétive de l’allée
frissonnant en petites rides opalescentes
sous la caresse taquine du vent
Bonjour grand palmier solitaire
planté sur ton échasse grenue
et t’ouvrant comme une splendide tulipe
à la cime
Bonjour soleil de mon pays
marée de présence annihilant l’exil
Que de lumière
que de lumière autour de moi
J’ai mille raisons de vivre
aincre la mort quotidienne
le bonheur de t’aimer
marcher au pas de l’espoir
Nous avons besoin de toute notre intelligence
pour l’échec
la désillusion
les faits têtus qui corrodent
les rêves de naïveté
et de cette nouvelle lucidité
le chemin s’écourte
Apprendre le silence
pour que nos paroles pèsent
de tout leur poids de souffrance
Dire la quintessence de nos actes
Sous le bandeau du bourreau
savoir déceler le bandeau
de notre propre suffisance
Aux prises avec le temps la mémoire flux et reflux Le présent n’existe pas à moins d’appeler présent cette conscience aiguë du devenir foudroyant le passé
Tant d’années
à n’avoir jamais connu
la solitude ou l’ennui
tant d’étoiles filantes dans ma tête
La vasque de tendresse murmure
en plein chant
l’étrange bonheur du prisonnier
La nuit a lâché sa horde de colombes
sur les forêts sensuelles du souvenir
Tu m’apparais
terrifiante de grâces et de promesses
puis c’est le rite
entrecoupé de détonations
de voyeurs hilares puant la cagoule
Je ne suis qu’à moitié homme
L’eau coule dans ma main
Des gouttelettes irisées
absorbent goulûment le soleil
Rêver n’est que le reflet
de ce presque miracle
Le sourire éclôt de lui-même
Je ne l’arrache pas à ma face
oubliée avec tous les miroirs
Sourire inextinguible c’est
comme ça que je résiste
Chaque jour
cette page blanche qui me nargue
comme pour décréter la victoire du silence
Mille poèmes éclatés sous les décombres du quotidien
Le temps pervers dévidant les mots pour les dire
C’est encore loin le temps des cerises
et des mains chargées d’offrandes immédiates
le ciel ouvert au matin frais des libertés
la joie de dire
et la tristesse heureuse
C’est encore loin le temps des cerises
et des cités émerveillées de silence
à l’aurore fragile de nos amours
la fringale des rencontres
les rêves fous devenus tâches quotidiennes
C’est encore loin le temps des cerises mais je le sens déjà qui palpite et lève tout chaud en germe dans ma passion du futur
mais c’est un guide sûr
un excellent sourcier
Croyez-moi
il y a lieu d’espoir
Maison centrale de Kénitra, 1978