Vie urgente

Abdellatif Laâbi
par Abdellatif Laâbi
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je rappelle au désordre mot d’ordre

insoumission il nous faudra des guerres des sièges plus meurtriers qu’aux croisades je veux un sang juste

l’exacte vengeance Qui nous a jamais consultés pour nous assassiner

razzias

insécurité

débandades à chaque frontière

maquis pourquoi pas nous

pourquoi pas la guerre La guerre

enfin la guerre

la rébellion de dire mais pas de romances lacrymogènes

pas de pilules pour l’extase une guerre tirant et saillant

à nu

le pilori des fatalismes la marche que ne domine pas le tic-tac sans rendez-vous

un chant tranché dans la croupe des vertiges la marche qui soulève le monde

en une sauvage dénonciation

les volcans se remettent en marche va-t’en

polygone de sédition l’arbre ablé à ma racine démente transfuge

damné de vos terres (mon sang extradé

hors de moi

et des frontières de l’humain)

détresse détresse

dans la débandade des cités

détresse

cendres de combat

détresse

le cœur qu’on malaxe

il veut nous rassurer

le monde

il réclame de la décence

le monde

ce vide

cette suffocation de vide

ce tampon d’édier

à notre respiration

la planète sans feu

le pouvoir des glaciers ni grisou ni avalanche

ni cette mousson de criquets et d’ambre l’or de toutes les couleurs

le soleil solidifié tout cela

et l’homme fossile inéluctablement

la matière rongeuse

jusqu’au sperme

je n’ai pas confiance la dissolution de l’Œil

le partage des sens cette atrophie m’alarme l’impression d’un cours raté

aujourd’hui quelques-uns dressent des purgatoires sur des séismes

caravaniers de l’absurde

aujourd’hui quelques-uns se sentent seuls

lutins seuls et ils le seront de plus en plus

jusqu’au naufrage du souffle

à l’étau

Terre tu ne suffis pas à mes excrétions j’allume ma cigarette

avec tes fuji-yamas mousson de geysers

invasion d’épidémies ainsi se tiennent à mon seuil

les mots

je proclame mon ascension le sang remonte

jusqu’au goulot des pics non marée

non pas déluge il gonfle

aimanté dans mes orgasmes je ne ferai

pousser ni fleuves ni routes mais des astres

d’immenses astres

d’autres possibilités de vie je minimise la terre

cet accident en déroute

pourquoi m’arrêter à cette lisière

ce fragment

ce sentier

la rigolade

ces missiles-pétards

la rigolade

ces boutons-molosses la rigolade

vos explosions

vos expansions

vos interventions votre guerre à tous les gaz

qui vous dit que je ne suis pas anthropophage

barbare

dans mon œil

des orties de vampire herses oblongues

mes dents poussent

des crocs le mastodonte

cette tumeur au cerveau cierge renversé

la réfraction qui suce la vie coccyx en démesure

velu mon nombril un marécage me renvoie à l’autre (Atlantis m’est revenu dans un rêve des gâteaux au miel dans la main) je sais

de certitude chamelle de quelles genèses je fus témoin à quelles apocalypses j’ai survécu mais force

force têtue des ailes m’avancent

en migrations d’iguanes

qui vous dit que cet accouplement de glandes ces tarses

ces rotules

agglomérés à ces cartilages ne sont pas que la première possibilité de ma métamorphose Certitude

que dans le sang se débattent d’autres lymphes filtrent

d’autres lombrics étoiles mais il me faut le vide

tempêtes d’espaces déserts un débarquement de silences pour faire le point

sur mes cavernes

le corps

la source érection

digestion de feu tout le corps

dans le corps il sort de mon corps de quoi pulvériser des cités tout en éclats

en massues

en fléchettes

mon corps

lumière

non

pas lumière

(je n’aime pas ce mot)

rayon

oui

rayon détonant

le corps en branle

et gicle l’acte

générateur

en chantier de vies

royaume désert

désert royaume désert nain sang de naphte Désert force armes et royalties Désert tabou d’espace Désert circule dans le cercle Embrasse la main et prends ta part Ô désert en exil concentrationnaire désert

goudron rabattu sur nos têtes

désert arrête tes vagues de mirages Désert mural Syntaxe de ma folie Désert j’ai trouvé ton absurdité au fond d’un puits Désert ne m’oublie pas Désert je te maudis Désert je peux ce que j’écris Désert cercueil de plomb Passoire de ma haine Désert de Pierre noire et de chant Désert ma double chair nous ce désert

cette torpille

voguant

Abdellatif Laâbi

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