Cristal de vivre
J’aurais voulu écrire un livre
sur le bonheur de vivre
où la joie
éclatait en explosions successives
où le matin
était l’angoisse heureuse d’être
où le crépuscule du soir
était un apaisant baiser de l’inconnu
j’aurais voulu
être mangé comme un fruit de lumière
être bu comme une tisane de bonté
j’aurais voulu vous présenter
le merveilleux bouquet de roses sans épines
que je n’ai pas trouvé
Du temps que j’étais milliardaire
un éléphant vêtu de noir
près de moi vint s’asseoir
en me disant pardon confrère
Du temps que j’étais souris blanche
je suis sorti de souricière
au jour perdu de ma naissance
mais je n’ai pas gagné au change
Du temps que j’étais hanneton je fus aussi dans la prison
de l’allumette et dans celle des horizons
Du temps trouvé pour être un homme
et pour penser à moi aussi
je n’ai cueilli sur l’arbre que la pomme
pleine des vers de mon souci
à
Edouard
Faucon
O nuit horrible
aurore horrible
soleil horrible
mémoire horrible
ô dérisoire identité
universelle vacherie
Et si le
Jésus-Christ est
Dieu
tant mieux
et mieux vaut lui qu’un autre
crocodile spirituel
Vous le voyez
j’ai quelquefois la connerie de croire
en des instants d’immense lassitude
que je me ferais bien
à sa mâchoire
ainsi qu’un très petit oiseau du
Nil
Fusillez-moi je l’autorise
Et ne pas faire le dresseur de puces intellectuelles
et ne pas oublier lorsque je mange que mon petit chien me regarde
et penser quand je fais l’amour que c’est acte de dieu
et dévorer le monde en affame de vérité
à
Armand
Simon
N’importe quel homme peut bien m’assassiner
au tout premier tournant venu
et je dirai
adieu veaux vaches cochons couvées
très calmement
ainsi que se prononce
le mot dormir
dormir dans la voiture du néant
traînée
par quatre sauterelles sans mémoire
chacun sachant
ce que parler veut dire
Douce maman soyez heureuse auprès de
Dieu
ne pensez plus à moi
je vous en prie
oubliez-moi dans l’inconnu
dans
Pinescamotable aventure de vivre
dans son atrocité
autorisez que s’accomplissent
les derniers pas d’irréparable
à
Paul
Michel
Avoir tiré des dizaines de fois
à boulets rouges sur son âme
son cœur
et progresser
avec l’imprudence du sage
dans les ruines de son propre destin
c’est vivre
c’est modeler dans l’invisible
la matière indissoluble de son noyau
c’est graver
dans la muraille d’ombre
les traits secrets de son dernier visage
Hommes
vous m’entourez de toutes parts
hommes
ma bonne volonté vous cerne
hommes
vous torturez les étendues
les façades de l’incidence
les oripeaux de la saison
les sédiments spirituels
hommes
je suis en vous à votre insu
je suis la belle négation
de vos maîtresses prétendues
hommes je suis toujours en vous
comme un serment de contingence
d’étonnante fidélité
d’aromatique probité
hommes
vous ne pourrez jamais m’atteindre
que dans le sang que je vous donne
à
Albert
Snchelbaut
Un jour viendra sans doute où nous serons
en communication
avec le monde des insectes
avec les termites muets
avec les aveugles fourmis
Qu’est-ce que parler humain veut dire
au fond du gouffre de la pensée !
Et je me vois très bien
buvant un bock
avec un insecte asexué
à la table effrayante de l’éternité
Insecte
je bois à ta santé
à nos bonnes santés interminables
Écrire le poème unique qui a plus d’importance
que d’être né que d’être encore en vie
Écrire le poème unique
intraduisible
de survie
l’ayant porté en soi
humainement
comme a porté
Marie