Décrets

Achille Chavêe
par Achille Chavêe
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LA
QUESTION
DE
CONFIANCE

(1940)

Légende

imprenable légende des anges ivres

jaillis des cataclysmes en gestation

je marche

je tiens entre mes yeux

à la hauteur du monde

une perle d’amour

une perle d’angoisse roucoule dans ma poitrine

[en flammes je pense que je suis un oiseau des grands carnages des pertes irréparables de sang je me souviens des chants que j’ai pleures lumière impalpable frémissement des lèvres invisibles dans l’urne d’or des vieux déserts
Aujourd’hui

les hommes restent impuissants au pied du mur qu’ils ont bâti

avec les lourdes pierres de leur cœur

avec le dur ciment de leur faute commune

Pour moi

depuis longtemps déjà

le visage du monde est brûlé

je suis à jamais étranger aux complots de leur vie

je sais simplement que je dois attendre

je sais que les prédictions des fous

vont tomber comme des couperets

que des miracles s’accompliront

pour moi seul si je le commande

je possède la puissance des métamorphoses

la puissance de ceux qui ont joué leur vie

avec le secret espoir de la perdre

qui ont donné leur ombre

au passant inconnu

qui ont tout abandonné

de ce qu’ils devaient abandonner

pour être purs

pour fixer toutes les idoles de matière et de chair

dans leurs prunelles de crainte

je sais que sur un signe de mes plus secrètes pensées

des êtres vont surgir

puissants

vêtus de magie

armés d’ultimatums

doués d’une violence consacrée par des siècles d’attente

d’indestructible révolte

je sais qu’ils vont peupler

le monde

les mondes

demain n’est que trop aisément prévisible

Nous les princes de la folie

inaliénable

croisés de l’impossible

maudits qui n’avons rien renié

de nos premiers serments d’enfance

allons assister au triomphe interdit

de la beauté convulsive

resplendissante de nudité fatale

sourde aux cris désuets de la chair impuissante

chère impitoyable beauté

que nous avons mise en marche

que seuls nous saurions détruire

que seuls nous savons créer

que seuls nous savons nourrir

en donnant à ta faim

tout notre désespoir immémorial et blanc.

3 septembre 1939

Achille Chavêe

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