éphémérides
Toute initiale du monde
et son secret
et son oiseau
dans la pointe de mon couteau
La nuit la nuit
la lourde nuit silencieuse
la grande nuit
et son pourpre silence
Perle l’impondérable son
que lui consent en s’effeuillant
la rose
le pétale léger qui tombe et qui se pose
sur le marbre secret de notre angoisse mauve
Ma vie tenait à un fil
à ce fil invisible
et capital
de la grande toile d’araignée maternelle
Et brisé fut le fil
par mon vouloir
et par un temps de tempête morale
et ce fut elle qui mourut
maman
(je n’ose y réfléchir)
en lieu et place de mon désespoir
Il y eut divergence dans les souffrances
je devins seul
et crus que la partie resterait inégale
le temps étant toujours au choix
spirale ou vrille
un mensonge de plus aux lèvres du divin
Écrire aux fins de déchirer les apparences
écrire le soudain
l’imprévisible
sur le drapeau de vivre
écrire
amadouant
ou
poignardant toute réalité
écrire encore
pour vaincre
comme une carte égarée et gagnante
se retrouve parfois
dans la manche du désespoir
pour
Albert
Ludé
Les végétaux s’ils pouvaient
s’exprimer seraient avares de paroles
Aujourd’hui je fus un arbre et je le reste
Je me console et je me justifie
pensant
que je suis beau
déjà
comme une table de cuisine
Depuis l’idole d’or à la rose fanée
de la naissance à par delà la mort
dans la feuille et dans la fourmi
dans la racine et dans l’esprit
dans le viol et dans l’abandon
dans l’élégance du pardon
aimant
comme un oiseau qui de tout l’univers
a fait son nid
L’escalade pour une fleur
l’escapade pour une fille
l’estocade pour un peu d’honneur
la ballade des bons garçons
une chanson ailes de vivre
une saison nids de pinsons
une raison temps des cerises
vieux souvenirs vieux horizons
Je viens je suis je vis
de mon écorce noire
du sang de mes colères
du sang de mon amour
de l’oiseau fiancé à sa femelle chaude
des larmes qui s’égouttent du vague fait divers
de l’infirme noyé dans les vagues du soir
du baiser de la nuit
du salut de l’aurore
je vais je viens je vis
au-delà de l’espoir
et chacun peut le voir le savoir et le croire
Septembre 1944-
Juillet 1951