Cadavre d’une frénésie

Aimé Césaire
par Aimé Césaire
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le souvenir d’une route qui monte très fort dans l’ombrage des bambous le vesou qui s’invente toujours neuf et l’odeur des mombins

on a laissé en bas les petites jupes de la mer les saisons de l’enfance le parasol de coccolobes

je me tourne au virage je regarde par-dessus l’épaule

de mon passé c’est plein du bruit magique toujours sur le

coup

incompréhensible et angoissant du fruit de l’arbre à pain

qui tombe et jusqu’au ravin où nul ne le retrouve

roule

la catastrophe s’est fait un trône trop haut perché du délire de la ville détruite c’est ma vie incendiée

Douleur perdras-tu

l’habitude qu’on hurle

j’ai rêvé face tordue

bouche amère j’ai rêvé de tous les vices

de mon sang et les fantômes rôdèrent

à chacun de mes gestes à l’échancrure du sort

il n’importe c’est faiblesse

veille mon cœur

prisonnier qui seul inexplicablement survit dans sa cellule

à l’évidence du sort

féroce taciturne

tout au fond lampe allumée de sa blessure horrible

Aimé Césaire

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