Déshérence
Dès que je presse le petit déclic que j’ai sous la langue en un endroit qui échappe à toute détection à tout bombardement microscopique à toute divination de sourcier à toute prospection de savant sous sa triple épaisseur de faux cils de siècles d’insultes de strates de madrépores de ce qu’il me faut appeler ma caverne à niagara dans un éclat de cancrelats dans une crispation de cobra une langue comme un sujet d’étonnement fait le bond d’une machine à cracher une gueule de malédictions une remontée des égouts de l’enfer une éjaculation prémonitoire un jaillissement urinaire une émission méphitique un rythme de soufre alimentant une ininterruption d’interjections – et alors voilà poussant entre les pavés les furieux eucalyptus bleus du pétrole qui laissent bien loin derrière eux la splendeur des véroniques, les crânes à même le délire de la poussière comme la prune jaboticaba et alors voilà commencé dans un gros bourdonnement de frelon la vraie guerre de dévolution où tous les moyens sont bons voilà que montent les pigeons voyageurs de l’incendie voilà le crépitement des postes secrets et les épaisses touffes de fumée noire qui ressemblent à des végétations vaginales lancées en l’air par le coup de reins du rut.
Je compte.
A travers la rue une armillaire couleur de miel c’est couchée nainement sur le flanc une église déracinée et réduite par la catastrophe à ses vraies proportions de pissotière.
Je passe sur des ponts écroulés.
Je passe sous des arceaux nouveaux. Œil luge au bas d’une joue parmi les bois et les cuivres bien astiqués une maison à flanc d’abîme avec en coupe la virginité violée de la jeune fille de la maison les corps et biens du père et de la mère perdus qui croyaient à la dignité de l’homme et dans le fond d’un bas de laine les testicules percés d’une aiguille à tricoter d’un chômeur des pays lointains.
Je porte la main à mon front c’est une couvée de moussons.
Je porte la main à ma queue.
Elle s’est évanouie dans une fumée de feuilles.
Toute la lumière désertrice du ciel s’est réfugiée dans les barres chauffées à rouge à blanc à jaune des serpents attentifs au dépérissement de ce paysage méprisé par le pissat des chiens.
A quoi bon ?
Les planètes sont des oiseaux très fertiles qui à tout moment déclosent majestueusement leurs silos à guano la terre sur sa broche vomit alternativement la graisse de chacune de ses faces
des poignées de poissons accrochent leurs feux de secours aux pilastres des astres dont le vieux glissement s’effrite dans la nuit en une épaisse saveur très amère de coca.
A qui d’entre vous n’est-il jamais arrivé de frapper une terre à cause de la malice de ses habitants ?
Aujourd’hui je suis debout et dans la seule blancheur que les hommes ne m’ont jamais connue.