Elégie

Aimé Césaire
par Aimé Césaire
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L’hibiscus qui n’est pas autre chose qu’un oeil éclaté d’où pend le fil d’un long regard, les trompettes des solandres,

le grand sabre noir des flamboyants, le crépuscule qui est un trousseau de clefs toujours sonnant, les aréquiers qui sont de nonchalants soleils jamais couchés parce qu’outrepercés d’une épingle que les terres à cervelle brûlée n’hésitent jamais à se fourrer jusqu’au cœur, les souklyans effrayants,
Orion l’extatique papillon que les pollens magiques crucifièrent sur la porte des nuits tremblantes les belles boucles noires des canéfices qui sont des mulâtresses très fières dont le cou tremble un peu sous la guillotine,

et ne t’étonne pas si la nuit je geins plus lourdement

ou si mes mains étranglent plus sourdement

c’est le troupeau des vieilles peines qui vers mon odeur

noir et rouge

en scolopendre

allonge la tête et d’une insistance du museau

encore molle et maladroite

cherche plus profond mon cœur

alors rien ne me sert de serrer mon cœur contre le tien

et de me perdre dans le feuillage de tes bras

il le trouve

et très gravement

de manière toujours nouvelle

le lèche

amoureusement

jusqu’à l’apparition sauvage du premier sang

aux brusques griffes ouvertes du

DÉSASTRE

Aimé Césaire

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