Le grand midi (fragment)
–
Halte, halte d’auberge!
Plus outre!
Plus bas!
Halte d’auberge !
L’impatient devenir, fléchant de réveils et de fumées,
orteils sanglants se dressant en coursiers,
insurrection se lève !
Reine du vent fondu
– au cœur des fortes paix -gravier, brouhaha d’hier
reine du vent fondu mais tenace mémoire
c’est une épaule qui se gonfle
c’est une main qui se desserre
c’est une enfant qui tapote les joues de son sommeil
c’est une eau qui lèche ses babines d’eau
vers des fruits de noyés succulents,
gravier, brouhaha d’hier, reine du vent fondu…
Essaim dur.
Guerriers ivres ô mandibules caïnites éblouissements rampants, paradisiaques thaumalées jets, croisements, brûlements et dépouillements
ô poulpe
crachats des rayonnements
pollen secrètement bavant les quatre coins cardinaux
moi, moi seul, flottille nolisée
m’agrippant à moi-même
dans l’effarade de l’effrayante gueulée vermiculaire.
Seul et nu !
Les messages d’atomes frappent à même et d’incroyables baisers gargouillant leurs errances qui se délitent et des vagissements et des agonisements comme des lys perfides éclatant dans la rosace et l’ensablement et la farouche occultation des solitudes.
Je bourlingue
à travers le lait tendre des lumières et les lichens
et les mitoses et l’épaisse myéline
et l’éozoon
et les brouillards et les mites de la chaleur hurlante.
O immense frai du jour aux yeux verts broutant des fleurs de cervelles éclatantes
l’oeil nu non sacré de la nuit récite en son opacité même le genêt de mes profondeurs et de ma haine !
Mon beau pays aux hautes rives de sésame où fume de noirceurs adolescentes la flèche de mon sang de bons sentiments !
Je bourlingue
gorge tendue à travers les mystérieux rouissements, le atolls enroulés,
les têtards à face de molosse, les levures réticentes et les délires de tonnerre bas
et la tempête sacrée des chromosomes,
gorge tendue, tête levée et l’épouvante première et les délires secrets
incendiant dans mon crâne des frénésies d’or, gorge tendue, tête levée,
à travers les patiences, les attentes, les montées, les gira-tions,
les métamorphoses, les coalescences, l’écaillement icté-rique des futurs paysages,M
gorge lourde, tête levée, tel un nageur têtu,
à travers les pluvieuses mitraillades de l’ombre
à travers le trémail virevoltant du ciel
à travers le ressac et l’embrun pépiant neuf
à travers le pertuis désemparé des peurs
tête levée
sous les pavois
dans le frisselis des naissances et des aubes !…
Le sang du monde une lèvre salée
vertement à mon oreille aiguë
sanglote
gréée de foudres
ses fenaisons marines.
O embrassements sans portulan.
Qu’importe? jaillissant palmier fontaine irrésistible, ombelle, ma hourde lourde écrase la
vase avance et
monte !
Ah ! cime ! demain flexible,
virgule d’eau, ma hourde lourde, sans chamulque, à contre-flot écrase la cime fine qui s’amenuise.
Ecume !
Je ne cherche plus : j’ai trouvé !
L’amour s’accroche aux branches
l’amour perce les narines du soleil; l’amour, d’une dent
bleue happe la blanche mer.
Je suis la colonne du matin terrassé
Je suis la flamme juste de l’écorce brûlée ; dans le bocage de mes cinq doigts toute la forêt debout rougit, oui,
rougit au-dessus des abîmes les cent mille pointes des danses impavides.
Large, ah ! plus large ! disperser au carrefour de mes reins les cavaleries frappées d’amour!
broutantes fongosités
l’abîme a soufflé la bulle vivante des collines
broutantes fongosités
élan assassiné
ne partirez-vous point ?
Suivrais-je déjà les lourds chemins bis des pluies et des
coxalgies ?
Mon amour sans pourquoi fait une roue de serpent tiède mon amour sans pourquoi fait un tour de soleil blanc mon amour aux entrailles de temps dans une désolation
brusque de sauge et de glaucome gratte sabot inquiet le bombax
de la savane sourde.
M’avancerais-je caressé déjà de soleil pâle vers les ciels
où mes crimes et le long effilochement d’herbes de mes enfers colonisés
luiront comme des oreilles trépassées dans la caverne des
Requiems ?
O oiseau du soleil aux durs becs renaissants
fraternel minuit, seul estuaire où bouillir ma darne indifférence
j’entends le souffle des aralies,
la creuse lumière des plages,
le tisonnement des soleils marins,
et les silences
et les soirs chevelus aux ricanements noueux et sur la clapotante batterie des grenouilles l’acre persévérance nocturne !
Qui fêle ma joie ?
Qui soupire vers le jour?
Qui conspire sur la tour ?
Mon sang miaule
des cloches tintent dans mes genoux.
O l’aptère marche de l’homme dans le sable hérissée.
Demain?
Mais déjà cet aujourd’hui me fuit, s’effondre,
muette divinité que gorge une lasse noyade à travers la bonace !
–
Lâche, lâche soupir ! et ceinturant la nucelle
de son gargouillement, la mort, l’autre mort, lambruche
aigre et vivace! misère
Ah !
Je défaille, ce son !
Il entre par mes talons, racle mes
os, étoile rose et gris parmi le bouillonnement de mon crâne.
Arrête! j’avoue, j’avoue tout.
Je ne suis pas un
Dieu.
Cicindelle !
Cicindelle !
Cicindelle !
Lumière.
Ah ! pourquoi ce refus ?
Quel ruissellement de sang !
Sur ma face.
En épaisse glu le long de mes épaules !
Ma décrépitude à genoux sanglote éperdument.
Ding!
D’incroyables sorties se précipitent !
Sur des biseaux de voie lactée
j’accroche la fleur foudroyée en oiseau,
j’incendie aux mille et une cloches inefficaces
le puissant tocsin de mes neuves salives.
Tiédeur.
Souffle vireux.
Morsures, caïeu sanglant à travers les
névroses…
Quelque part dans le monde un tam-tam bat ma défaite,
Des tiges de lumière brute sous les machetes et dans le dérèglement tombent.
Arums d’amour
me bercerez-vous plus docile que l’agami
mes lèpres et mes ennuis ?
Tam-tams de sang
papayers de l’ombre
Mumbo-jumbo dur tipoyeur
Kolikombo dur tipoyeur
Kolikombo goutte de nuit au cœur jaune de pensée
Kolikombo aux larges yeux de cassave claire
Kolikombo milan de feu tassé dans l’oreille des années
Kolikombo
Kolikombo
Kolikombo
dans les tourbillonnants beuglements des cécropies…
Un panache de monde
tranquillement s’installe et parfile la pariade métallique dans ce boulottement d’incendie.
Pluie ! (je ne comprends pas car je n’ai point convoqué d’onde) pluie
(je ne comprends pas car je n’ai point expédié mes messages pariétaux) pluie, pluie, pluie éclatant parmi moi ses épaules électriques.
–
Enos ! toute ma vie trouverai-je aux statiques carrefours foisonnant aux mains pâles des tremblements et des silences ta monarchie nocturne et ta paix violacée ?
Arrière ! je suis debout ; mon pied hihane vers*tie moins plats pays !
Je marcherai plein d’une dernière et plantureuse ivresse,
mon or et mes sanglots dans mon poing couchés contre mon
coeur !
Ah ! jeter l’ancre de nos ongles nets dans la pouture du jour!
Attendre ?
Pourquoi attendre ?
le palmier à travers ses doigts s’évade comme un remords et voici le martèlement et voici le piétinement et voici le souffle vertigineux de la négation sur ma face de steppe et de charrascal
Je pars.
Je n’arriverai point.
C’est égal, mais je pars sur la route des arrivées avec mon rire prognathe.
Je pars.
Le trisme du désespoir ne déforme point ma bouche.
Tant pis pour les corbeaux : très loin jouent les pibrochs.
Je pars, je pars.
Mer sans ailleurs, ô recreux sans départ je vous dis que je pars : dans la clarté aréneuse, vers mon
hostie vivace, se cabrent des centaures.
Je pars.
Le vent d’un museau dur fouine dans ma patience
O terre de cimaise dénuée terre grasse gorgée d’eau lourde votre jour est un chien qui jappe après une ombre.
Adieu !
Quand la terre acagnardée scalpera le soleil dans la mer violette vous trouverez mon œil fumant comme un tison.
Fournaise, rude tendresse
salut!
Les étoiles pourrissent dans les marais du ciel
mais j’avance plus sûr et plus secret et plus terrible que
l’étoile pourrissante.
O vol courbe de mes pas ! posez-vous dans la forêt ardente.
Et déjà les bossettes de mon front et la rose de mon pouls catapultent le
Grand
Midi.