Tombeau de paul eluard
Blason de coups sur le corps brisé des songes
matin premier des neiges
aujourd’hui très informe quand tous feux éteints s’éboulent les paysages sur les bancs de sable les plus lointains les sirènes des bateaux-phares sifflent depuis deux nuits
Paul
ELUARD est mort
toi qui fus le dit de l’innocence
qui rendis science aux sources
étendard de la fragile graine dans les combats
du vent plus forte que le hasard
ELUARD
ni tu ne gis
ni tu n’accèdes à terre plus pure
que de ces paupières
que de ces simples gens
que de ces larmes
dans lesquelles écartant
les plus fines herbes du brouillard
tu te promènes très clair
ressoudant les mains croisant des routes
récusant la parole violette des naufrageurs de l’aube grimpés sur le soleil
Il est quand même par trop saisissant de t’entendre
remonter la grande rosace du temps
on ne t’a jamais vu si net et proche
que dans cette effervescence
du pain de la neige qui lève quand une échéance autorise
dans le fin fond fumant de l’engrais de l’orage
un abîme de silex
ELUARD
cavalier des yeux des hommes pour qui luit
véridique le point d’eau à brouter du mirage
doux sévère intègre dur
quand de proche en proche tu mettais pied à terre
pour surprendre confondus
la mort de l’impossible et le mot du printemps
Capitaine de la bonté du pain
il a passé sous les ciels combattant
de sa voix traversée de la fleur inflexible du fléau méridien
et son pas des grands-routes
panifiant l’avenir
d’un tremblement de monstres vomi par les narines
insiste que dans l’oreillette gauche de chaque prisonnier
s’enflamment
d’un même cœur
tout le bois mort du monde et la forêt qui chante
Ecoute
déchiffreur sous tes paupières tu ne fais jamais nuit ayant pour mieux voir jour et nuit jeté aux feux-croisés des remous du pavé le faux feu que chasse le sacre des pierreries
Arpenteur mesureur du plus large horizon guetteur sous les caves d’un feu sous les évents sur les mers grises salueur des plus subtils flocons
ô temps par ta langue opulent
à cette heure l’eau brille l’homme comme l’eau des prairies brillera
le voilà qui vers lui siffle la docilité d’une saison feuillue
Regarde basilic
le briseur de regards aujourd’hui te regarde
qu’un soir impur de banquises dans ses doigts réchauffa
comme le secret de l’été
Raison
quelles surprises
de racines t’enlaceront
ce soir ou le torrent
descendrais-tu déjà
l’autre face du partage une surdité épaissit en vain la veille sans miracle de ses yeux crevés le roc sort ses oiseaux
ô meute capricorne
les mots leurs pouls battent on les sait fabuleux allaités hors temps par une main volière les paroles tombées
ramassées les saisons pliées arrondies comme des portes saisons saisons pour lui cochères
ELUARD
pour conserver ton corps
grimpeur de nul rituel
sur le jade de tes propres mots que l’on t’étende simple
conjuré par la chaleur de la vie triomphante selon la bouche operculée de ton silence et l’amnistie haute des coquillages