à l’enfant
J’écris à l’enfant russe que j’étais autrefois.
Pas plus haut que trois puces, il me répond, narquois : «
Je dors dans ta poitrine ; pourquoi me déranger ? »
Aussitôt je devine qu’il m’est un étranger.
J’écris à l’enfant corse que j’étais autrefois.
Pas plus lourd qu’une écorce, il me répond, narquois : «
Je rêvais dans ton crâne ; pourquoi m’as-tu chassé? »
Pardon, je me condamne à l’oubli du passé.
J’écris à l’enfant tchèque que j’étais autrefois.
Plus dodu que pastèque, il me répond, matois : «
J’habite en tes entrailles; est-ce un malentendu ? »
Il faut que je m’en aille : cet enfant est perdu.
J’écris à l’enfant basque que je n’ai pas été.
Petit comme son casque, il répond, irrité : À
Sais-tu qui est mon père? »
Je ne suis pas content car je dois contrefaire la mémoire et le temps.