Aliments
Voulez-vous me prêter un peu de votre vie ?
La mienne, comme un plat mal réchauffé, il n’est personne à qui je l’aie servie,
avec un faux café.
Voulez-vous me prêter cette ombre d’espérance, visible en vous ?
La mienne, un pull-over
percé de trous, je la garde, je pense, pour le repas des vers.
Voulez-vous me prêter votre doux paysage, avec sa lune et son ruisseau qui rit ?
Le mien s’est affaissé entre deux pages, comme un pudding au riz.
Voulez-vous me prêter l’une ou l’autre caresse ?
Je me demande à qui j’en ferais don : quand la dernière amante se redresse,
on mange l’édredon.
Voulez-vous me prêter l’échantillon d’une âme, pour me servir enfin de paravent ?
Jusqu’ici je sautais au gré des flammes, comme le vol-au-vent.
Voulez-vous me prêter, si je m’en rends plus digne, votre chanson qui ne saurait pécher ?
Voyez ma tragédie, faites-moi signe : je suis un steak haché.
Voulez-vous me prêter, à défaut de morale,
une ironie qui calme la douleur ?
Allez-vous-en !
Ma recette est fatale :
je fais cuire mon cœur.