De mon temps
On disait de mon temps qu’il faut être la rose
pour combattre le temps.
On disait de mon temps que le plus important, c’était la rose.
On disait de mon temps qu’il faut être une chose
pour vivre plus longtemps.
On disait de mon temps que l’homme, cet étang, se décompose.
On disait de mon temps qu’il vaut mieux être chaise
ou marteau sous le lit.
On disait de mon temps que vivre nous salit, grave malaise !
On disait de mon temps qu’il faut être sceptique
au moindre carrefour.
On disait de mon temps qu’on renforce l’amour par des musiques.
On disait de mon temps qu’il faut avoir des pierres
à la place du cœur.
On disait de mon temps que si l’âme se meurt, elle en est fière.
On disait de mon temps : «
Ne donnez pas d’espace
à votre vérité. »
On disait de mon temps : «
L’hiver vient en été, oiseau rapace. »
On disait de mon temps : «
Tout est perdu d’avance
à cause des complots. »
On disait de mon temps que les bourgeons sont clos pour leur défense.
On disait de mon temps : «
De tous les temps le pire
viendra l’après-midi. »
On disait de mon temps qu’il faut être maudit, hommes de cire !
On disait de mon temps que l’azur était louche
comme un mur en carton.
On disait de mon temps, mais que ne disait-on, bave à la bouche !
Enfants, je vous l’avoue, mon temps était futile,
et je vais au tombeau.
Enfants, je vous l’avoue, mon temps n’était pas beau.
Prenez mes îles,
prenez mes vers, prenez mes mots — rien ne
[m’accable ! — et faites-en un temps meilleur, je ne sais pas comment.
Il suffit d’une fleur et d’une fable.
Prenez mes cris, prenez mes pleurs, prenez mes hontes
et faites-en un temps d’amour, je ne sais pas pourquoi : tout miracle raconte qu’il est trop court !