Désinvolture

Alain Bosquet
par Alain Bosquet
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Puisque ma vie ne me plaît pas,

je m’en invente une autre.

Le siècle est jeune et maladroit

comme un poulain dans la prairie.

Les étudiants de
Gôttingen,

balafre sur la joue,

se battent en duel

pour un amour sans lendemain.

L’Europe dort parmi les certitudes.

Nicolas
II ressemble à son cousin

car le
Roi d’Angleterre et lui

portent la même barbe.

Je m’émerveille au moindre cou, au moindre sein.

Je lis les philosophes,

et préfère ceux de la
Chine.

Les îles
Borromées sont si légères !

Je rends visite aux grands
Musées

et aux petites femmes.

Je suis féru de la roulette,

des baisers que l’on vole,

du patchouli.

Une baronne balte

m’appelle : «
Mon caniche ».

Mon corps a 26 ans et mon âme 40.

Paris est mon village et
Berlin ma caserne.

J’écris, dans une lettre à mes parents :

«
Il est trop tôt pour moi de devenir adulte.

Wagner me fait horreur,

et j’aime
Franz
Lehar.

Portez-vous bien ; la guerre et l’existence

ne sont pas, ai-je tort ? indispensables. »

Alain Bosquet

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