Eglogue
Et la simple tristesse.
Et la pure beauté.
Et le soleil qui parle.
Et le lac qui frémit.
Et le platane ému car on va le fêter.
Et l’amour du silex.
Et le lézard ami.
Et l’oiseau pour lequel on invente un prénom.
Et la pomme entrouverte.
Et le livre qui lit sa propre page en apprenant d’où nous venons : l’enfant, l’homme, la femme ou l’azur, qu’on élit
pour sa mansuétude.
Et le fleuve à l’étroit parmi tant de glaïeuls.
Et le château penché sur son oubli : en quelle année sont morts les rois ?
Et la peau du plaisir qui s’est mise à sécher
comme un linge de soie sur le jeune gazon.
Et les regards qu’on se renvoie, paire de gants.
Et le bateau qui nous apporte l’horizon, égaré autrefois.
Et le peintre intriguant
les villageois car à la place du pinceau,
il caresse la toile avec un tournesol.
Et la main dans la main, vaisseau contre vaisseau.
Et la lèvre à la lèvre, ô chute sur le sol !
Et l’aube qui prévoit plusieurs jours en un jour.
Et l’étoile qui dit que la nuit est blancheur.
Et le nuage assis qui ne pèse pas lourd sur la poitrine.
Et le poète qui n’a peur
ni de la fable ni des mots.
Et la maison qui, traversant la rue, rejoint l’autre trottoir.
Et le printemps qui dure onze ou douze saisons, sans le besoin de s’expliquer.
Et le miroir
où l’on se voit multiple et clair.
Et le moulin qui veut broyer le doute ainsi que le froment.
Et le baiser frileux et le geste câlin comme deux écureuils dans les bras des amants.
Et le confort du sang.
Et la sévérité qui saisit chaque rose et la change en cristal.
Et le tendre refus : celui de s’accepter comme on accepterait l’envol de son cheval.