Grâces
Tu dois dire merci à cette chair,
de t’avoir mis au monde :
un azur infernal.
Tu dois dire merci à l’inconnu,
que par respect ou par défi tu nommes
Dieu.
Tu dois dire merci
— elle mérite la tendresse —
à cette rose qui n’est rose
que pour te faire mal.
Tu dois dire merci à ce vieux fleuve
puisque tu le vénères,
voulant te comparer à lui.
Tu dois dire merci à cet oiseau,
rossignol ou vautour,
de n’être pas semblable à toi.
Tu dois dire merci, quarante fois merci,
face à cet océan, pour le plaisir du mot
et pour la volupté du verbe.
Tu dois dire merci
au doute, à la merveille, à la métamorphose,
car ils t’obligent
à te réinventer.
Tu dois dire merci à cette mort qui te rend à la flamme, à la neige et au sable dont tu es fait mais qui ont pour honneur de te défaire.