Je vis, je triche
Je ne veux pas d’amis : je n’ai que des clients
et quelques fournisseurs.
Les écrivains, je les déteste, en souriant.
Je n’ai pour âmes sœurs
que la prostituée qui passe à l’improviste,
le clochard qui répète ses mots, l’enfant dégénéré, ni beau ni triste.
J’aime l’analphabète,
quand il s’obstine à déchirer mes derniers vers.
Je me voudrais maudit par mes contemporains : ils font de l’univers
ce bouge et ce taudis,
où même le lilas ressemble au sacrilège.
Avortons, mes cousines, mon frère le tordu!
Qui m’a blessé?
Où vais-je?
Il faut qu’on m’assassine.
Mon existence est sombre et je ne puis venger
mon poème déçu : il espérait une parole sans danger
et le noble tissu
que revêtent parfois, dans la nuit, mes semblables
minés par le pastiche.
Assez !
Le feu doit succéder au temps des fables.
Puisque je vis, je triche.