La mort et le baiser
Voulez-vous me prêter un peu de votre vie ?
J’aimerais corriger la mienne qui est vieille et que j’ai mal servie.
Un crâne plus léger
lui donnerait l’espoir; une épaule plus leste,
un sentiment d’amour.
Voulez-vous me prêter, dans un parc, quelques gestes
qui n’ont pas de contours,
mais qui font au soleil peu à peu le langage
des frissons éperdus ?
J’ai trop longtemps ouvert mon cœur à ses chantages
pour avoir attendu
la mesure profonde ou le tourment propice.
Voulez-vous me prêter la main qui est très souple et la mer qui est lisse
dans la sérénité ?
J’ai trop de fois souffert d’être plusieurs et proche
du suicide verbal ; j’ai besoin, je crois bien, d’une fleur qui s’accroche,
d’un caillou dans le val.
d’une aube qui secoue l’horizon et du cygne
qui nargue son miroir.
Voulez-vous me prêter, majestueux et digne
comme vous, ce pouvoir :
confondre enfin la chose et la très simple chose,
l’homme et l’être apaisé, l’herbe avec ses bouvreuils et l’herbe qu’on arrose,
la mort et le baiser ?