L’anonymat
Je sens comme une aisance à n’être plus personne :
j’aime l’anonymat.
La nuit m’est douce et les lilas bourdonnent.
Je me perds dans l’amas
des mots et des cailloux, des soupirs et des choses
qui n’ont aucun rapport avec ma vie.
Je suis absent.
J’oppose
un refus à mon corps
et me change en pollen.
Je deviens la rosée.
J’agis comme un ruisseau.
La guêpe en moi a l’existence aisée.
Je ne prends pas d’assaut
l’espace ni le temps.
Je suis une matière
qui ressemble à l’azur.
N’y touchez pas : substance hospitalière,
il forme le futur.
Je deviens peu à peu un néant agréable,
mais je n’en peux juger; on me compare au grain de sable
qui n’offre aucun danger.
Détendez-vous.
Je ne veux pas qu’on me regrette.
Heureux chez les fourmis, j’ai désigné ce soir mon interprète :
l’océan, mon ami.