Le mot me repense
Je ne sais pas si je suis vif ou mort :
mon poème en décide.
Je ne sais pas s’il faut faire un effort
jusqu’au premier suicide.
Je ne sais pas ce qui convient au sang :
la ferveur ou la règle.
Je ne sais pas s’il est divertissant
de plumer le vieil aigle
qui vit au fond de moi.
Je ne sais plus
ce qu’est la connaissance : le verbe écrit, le texte mal relu,
le mot qui me repense.
Je ne sais pas où va l’âme qui bout
sous la cendre de l’être.
Je ne sais pas ce qui se trouve au bout
du cauchemar : un traître,
un agent double, un ami, un voleur
ou quelqu’un qui s’esquive.
Je ne sais pas si mon présent se meurt
sous l’offense excessive.
Je ne sais pas si l’hiver vient l’hiver
ou si son heure est fixe, chaque matin, dans le livre entrouvert
sur l’amour, sur les rixes,
sur les dégoûts.
Je ne veux rien savoir :
je suis lourd et j’abdique car je n’ai pas prévu un seul espoir
au bas de ma musique.
Je ne sais même pas si j’interromps
le rêve de ma page : elle n’a pas d’auteur.
Le monde est rond
sans moi, le monde est sage.
Elle s’écrit en toute autorité,
sereine et magnanime ; sueur et peau, je n’ai jamais été
qu’un déchet de ses rimes.