Le poète et le poème
J’ai mal à mon poème avant ses deux naissances : sur le papier, dans mes poumons.
Il m’investit, ô concurrence comme un démon
qui ressemble à l’enfant qu’on jette à la poubelle dans la colère et le mépris !
Il m’arrache mes vers rebelles : les ai-je écrits ?
J’ai mal à mon poème au cours de l’écriture car il refuse mes leçons.
Je suis pour lui un peu d’ordure : un limaçon.
Je me demande quand je pourrai le comprendre, son rythme devenant le mien.
Je suis sévère et parfois tendre comme un vieux chien.
Il me traite en félon : à quoi sert le poète si sans lui le poème est vrai ?
Je suis la présence indiscrète : tirez un trait !
J’ai moins mal au poème, une fois qu’il s’installe, définitif, posé, charnu, et mon humeur se fait égale quand je l’ai lu.
Je l’accepte, il m’accepte : une douce harmonie devrait, je crois, se répéter.
Toute équivoque s’est bannie : sérénité !
Il nous faudra ensemble aller à la conquête de ce vaste univers, hardis car le poème et le poète sont interdits.