Les collaborateurs
Je ne suis pas le seul auteur de ce poème.
Je remercie le sel de mes poumons,
le sucre de mon sang,
la chimie, le hasard et la fatalité.
Je remercie l’azur qui m’a ému,
le mimosa que j’ai pu mettre en mots
et le vautour qui ne m’a pas terrorisé.
Je remercie le fleuve
qui m’a donné quelque tenue,
et la montagne à qui je dois la dignité.
Je remercie ma femme,
grâce à qui la raison, la prose,
le mardi glauque et le dimanche en plomb
m’ont paru supportables.
Je remercie la
République
où j’étais le censeur,
le pitre et quelquefois l’iconoclaste.
Je remercie ceux qui m’ont lu
jusqu’au malaise,
jusqu’à la trahison.
Je remercie ceux qui, refusant de me lire,
m’ont assuré
la solitude et le recueillement.
Je remercie mes collaborateurs :
l’œdème, la sclérose et le cancer,
d’avoir mis fin à ce poème.