Les instruments
«
Vilebrequin », « faucille »,
« guidon », « truelle » ou « pince-monseigneur »,
pendant vingt ans j’ai cru que j’employais les mots,
et je les respectais en loyaux domestiques.
Plus tard, je me suis dit qu’ils avaient un destin
par eux-mêmes : des êtres fiers, indépendants,
plus durables que moi,
et j’ai conçu comme une jalousie
pour un nombre d’entre eux : j’y voyais du mystère,
de la musique et de la grâce.
Les rôles désormais sont invertis :
c’est moi qui suis le stétoscope, le rabot,
le sparadrap, le clou,
le détergent, le vide-ordures
de mon maître, le
Verbe :
un poète attaché comme un chien
à chacun de ses mots.