L’espèce
J’en ai assez d’être un représentant
de cette espèce folle.
L’homme est discrédité : fini son temps !
Qu’il rende la parole
à la matière, à l’albâtre, au caillou,
à l’oiseau qui est digne.
Je ne veux plus passer pour un voyou :
au soleil, une vigne
n’a pas besoin qu’on lui tende la main;
elle vit toute seule.
L’humanité ne garde rien d’humain ;
la louve ouvrant la gueule,
la bave à l’oeil pour me sauter au cou,
je sais qu’elle m’est proche.
Mais toi, semblable, assassin par à-coups,
je t’évite; décroche
ce crâne qui ne sert qu’à te haïr,
et ce coeur qui débourse ton ultime poison, comme un soupir.
Tu restes sans ressources.
Quarante siècles, va : c’est le moment
de dissiper le doute.
Il faut mourir comme dans les romans ;
tu t’es trompé de route.
Je reste nu, mesurant le gâchis,
les effets de la guerre, l’absurde vain, l’orgueil irréfléchi,
le manque de repères.
Un arbre m’anoblit ; ma race meurt
puisque je la condamne.
Dégoûté, je demande une faveur :
devenir un platane.