Passage d’un poète
Le poète est passé : un remous dans l’argile
se dresse en monument, avec soudain le bras qui se profile,
la lèvre et l’oeil aimants.
Le poète est passé : le ruisseau qui hésite,
devient fleuve royal ; il n’a plus de repos ni de limites :
il ressemble au cheval.
Le poète est passé ; au milieu du silence
s’organise un concert, comme un lilas ; une pensée se pense,
le monde s’est ouvert.
Le poète est passé ; un océan consume
ses bateaux endormis.
La plage est d’or et tous les ors s’allument
pour s’offrir aux amis.
Le poète est passé : il n’est plus de délire
qui ne soit œuvre d’art.
Le vieux corbeau devient un oiseau-lyre.
Il n’est jamais trop tard
pour vivre quinze fois : si le poète hirsute
repasse avant l’été, consultez-le car de chaque minute
il fait l’éternité.