Portrait de l’auteur en hanneton
Parmi les vingt ou vingt-cinq vies que j’ai vécues
et qui, j’en suis certain, ne sauraient présenter
le moindre attrait pour les bons citoyens,
il en est une
qui m’a laissé rêveur.
J’étais ces années-là un hanneton.
Je rampais au hasard sur un pétale,
sur un objet rugueux,
sur le bras nu d’une femme très rousse.
Quelquefois je tombais dans un ruisseau.
Je ne mesurais pas le monde,
auquel je découvrais mille parfums.
J’étais lourd de vertiges.
Un enfant m’a saisi : j’en fus heureux.
Bientôt pourtant il m’arrachait les ailes.
Ma vie d’insecte a été, je crois bien,
sans soupir ni pensée,
la moins nuisible.