Quelqu’un d’autre
Dès le réveil j’ai besoin d’être quelqu’un d’autre.
Je suis le bijoutier du coin.
Je manipule
le lapis-lazuli, la perle fausse,
l’opale, et je conseille aux minces fiancées
la bague en or qui les rendra heureuses.
Je suis le voleur de chevaux
dans un pays lointain,
l’Anatolie ou les plaines kirghizes :
je les prends au lasso, je les cravache ;
ils finissent toujours par m’obéir,
ces demi-dieux de la terreur.
L’après-midi je suis un prince :
régnera-t-il sur les poètes
ou sur un peuple qui se courbe
avec les vents, avec les pluies ?
C’est mon identité du soir
qui m’apporte l’ivresse :
à bord d’un quatre-mâts,
je fends les flots,
j’efface l’équateur
et je ligote l’horizon.