Rien appris
J’avais dans ma jeunesse une idée de ce monde
et jouais avec lui.
Ma connaissance en est-elle profonde ?
Trop de soleils ont lui
pour que je puisse me targuer de certitudes.
Je ne fais qu’un serment : ma vérité m’est suspecte et j’élude
le mensonge infamant.
Entre les deux, je crois établir l’équilibre :
je vis tant bien que mal, endormi sous ma peau ; parfois je vibre,
pareil à l’animal :
je me veux un renard, un paon, une belette.
À quoi bon repenser la matière ? elle est douce… À la sauvette,
je ne puis ressasser
que les tristes défauts de ma mémoire ;
je dois neutraliser l’événement, l’amour fumeux, la gloire,
tout cet être embrasé
qui ressemble au cyprès devenant une cendre
retournée à la mer.
Je suis sceptique et mon doute est si tendre,
que parfois je m’y perds.
Tout est confus en moi, malgré les analyses :
je suis l’ombre et l’objet, le squelette et son âme, une sottise !
mais si je m’engageais
à plus de fermeté, je serais la victime
de quelque parti pris ; ma tourbe est plus précieuse que les cimes.
Je n’aurai rien appris.