Troisième personnage
Troisième personnage au milieu du poème,
je ne suis ni l’écrit ni l’écrivain ; observateur qui se débat dans ce dilemme :
faut-il intervenir de droit divin,
ou subir en silence un assaut de mensonges, semblables quelquefois aux vérités ?
Je suis le fabuliste aux fables qui s’allongent ; il s’en détache, il veut les habiter.
C’est à lui-même enfin qu’elles se font nocives, comme corbeaux pris aux rets du miroir.
Je m’y redéfinis, ô souffrance excessive d’être au matin un autre que le soir.
À la matière accorde-t-on quelque distance,
ou n’est-ce pas détruire le tissu que de l’analyser ?
Le penseur qui se pense
a la pensée pénible, à son insu.
La chanson est ma chair et j’y siège en arbitre, sans jamais distinguer le bien du mal :
le sang chaque matin abreuve le chapitre et le poumon est un état verbal.
Un esclave du mot en devient le monarque.
Ce qui se conçoit bien veut s’éviter : en-moi, c’est la guerre civile et je remarque
que l’on m’y traite à peine en invité,
avec trop de façons.
Il faut que je me presse
pour distinguer victime et assassin ; fait de moi mais sans moi, mon poème en détresse
ne reconnaît en moi qu’un corps malsain.