Un vide
Imaginons : j’ai fait fortune
dans les genoux artificiels,
les éventails de nacre,
les fausses dents.
La cinquantaine atteinte,
j’ai divorcé pour mieux courir les gourgandines
et les danseuses
qui, vers trois heures du matin, crachent le sang.
J’ai payé cher
pour ne jamais revoir mes fils :
l’aîné, un gigolo ;
et l’autre, une poule mouillée.
Hôtel de passe,
hôtel de luxe :
divine alternative !
Au poker je ne joue qu’avec les malfaiteurs,
pour apprendre comment ils trichent.
J’aime les guerres,
cigare en bouche,
devant un cinzano.
Parfois je donne cent dollars
pour les enfants de
Roumanie :
ils iront dans la poche
d’un colonel très moustachu.
Je ne lis plus que les journaux :
pronostics, mots croisés, cours en
Bourse.
Je ne sais pas ce qu’est
la poésie.
L’an prochain, à
ma mort, je ne laisserai rien,
pas même un vide au cœur de mes amis.