Une dame
Asseyez-vous,
Madame,
dans ce fauteuil au cuir si frais.
Prenez ces reines-claudes,
Ces roses-thé aussi, qui s’harmonisent
avec votre corsage.
Nous nous sommes connus à bord de quel navire ?
Bien sûr, j’ai enseigné le russe,
l’amour courtois,
les poètes baroques :
c’était au cœur d’un autre continent.
Vous êtes veuve
et vous avez perdu un fils
dans une guerre injuste ?
Les sentiments ne meurent pas :
ils deviennent boiteux, ou plutôt gauches.
Ce que je suis se trouve dans mes livres :
ce roman, par exemple, me ressemble.
Je n’ai rien oublié, à part votre prénom.
Certaines choses
ne doivent pas renaître.
Non,
Dieu ne m’aide pas beaucoup.
C’est une bonne idée : revenez au printemps.
Les fleuves coulent du sud au nord,
dans ces parages :
il faut y voir quelque fatalité.
Prévenez-moi,
Madame,
quand vous serez heureuse.