Vulgaire
Je composais autrefois des cantates
et je jouais du luth.
Je m’occupe aujourd’hui de ma prostate,
et le seul uppercut
est celui que je lance aux cellulites
étouffant mon cerveau.
Je suis vulgaire ; ailleurs sont les élites !
Je suis un plat de veau
avec au fond de moi quelques endives
dont je fais mes rondeaux.
Faible est le jour et plus rien ne m’arrive :
ma fable a mal au dos.
Je grogne contre moi comme un concierge
qui a perdu ses clous.
Ma femme bâille ; où sont les jeunes vierges
poursuivies par les loups ?
Mon pain qui n’est pas frais, je me le coupe
en massacrant un vers.
Je crache, mythomane, dans ma soupe
et j’attends le cancer.
Jadis je menaçais l’azur superbe
et la licorne d’or.
On me trouve ce soir couché sous l’herbe :
ma muse ronfle et dort.
Le merveilleux, ce n’est plus mon affaire :
je suis son retraité.
Ma poésie se fera grabataire
quand reviendra l’été.
En attendant, je brûle ces volumes
car mon vieux cœur a froid.
Si vous me ramassez — jolie coutume ! —
rependez-moi plus droit.