Homme parmi les hommes

Alain Jouffroy
par Alain Jouffroy
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L’aube scintille dans l’usure du pare-brise.
Incessamment sur les routes, col roulé sur la nuque,
L’homme disparaît plus souvent qu’un monstre volatil
Aux rênes de phosphore.
Son élégance très courue
Suit le vent d’un accident, d’un cri d’alarme.
Contradictoire, levé avant l’heure, son repas à peine
Touché, il est là au moment opportun, séditieux.
Sa main solaire posée sur l’objet nécessaire,
Guideur de passantes désorientées, sans subterfuge,
Il étonne.
Son absence est buée légère.
Mais la terre
Le requiert là où l’histoire ne jette pas ses filets.
Libre, il se fraie un passage, erratique cachalot. Éclatant de conscience, violent, son peu de dédain
Est si séduisant qu’une perle, que l’œil de l’égarée

ent mal son étoile, son comportement.
Il brûle sans bruit dans l’espace qu’il tend.
L’univers cède à sa pression délicate d’amant
Intelligent, jamais gêné.
La police l’omet.
Toujours vif, impeccable, sorti d’un abcès
De mitrailleuses acharnées, enjoué,
Distrait mais lucide, la douce décision aux yeux,
Il laisse le parfum de son nom sur les ailes
Du nez d’un garçon — mouette —
Gracieuse gloire sans fardeau ni mémoire ni fanfares,

Voilier solitaire, éclat éternellement muet, mais
Pointé vers l’ouverture dépolarisante — ici.

…Enfin, laissant traîner derrière lui la mer,
Assis, les mains décrispées sur les jambes, À ses amis tyrannisés, il donne le privilège du souffle.
La poussière empanache lentement ses épaules.
L’extrême lenteur de la fatigue l’irise.
Sa visière à peine embuée étincelle
Dans la torpeur des sables qu’il a soulevés.
Longtemps il a dirigé ses caravanes
Ensommeillées vers la petite aube de la soif.
Ses ambitions se sont refermées, tourelles
D’un
Tibet fortifié, pures ruines impassibles.
Les bielles de la souffrance assoupie s’immobilisent,
Tentaculaire tendresse d’un déclin !
Jamais, jamais, in jugé, injugeable,
Son cadavre n’affligea l’opale meurtrie d’un œil !
Englouti dans l’être du soir,
Il chuchote, écume, aux rames des chercheurs.
Pantalons étroits, champion délicat, gris-mauve,
Il tousse dans ses allées d’eucalyptus.
Dragon titubant protégé par ses fauves,
Il écarte les branches sur la baie d’une marée
Basse que survolent, imperceptibles, les prophètes
Des temps annoncés, pâles soucoupes des rares épopées.

Alain Jouffroy

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