La chambre d’échos

Alain Jouffroy
par Alain Jouffroy
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Si, né du néant, nanti de mon aveuglante nudité,

J’avance, chargé d’une absence de fardeau,

Dans les ruelles réelles,

C’est par force, sous l’impulsion oppressante de ma force.

Ma force est l’ambition vaincue qui m’entraîne.

Dans la robe empesée par le froid du désastre,

Lèvres soudées, je remonte à l’origine de l’échec

Et je retombe, prostré, aux pieds de ma statue.

Les anneaux criards à mes doigts s’éclipsent

Et la nuit chuchote sur la trace de ma chute.

L’erreur, qui cherche sa croix dans mes forêts,

Fixe sur moi la prunelle pâle et monde du pôle.

J’effeuille l’orchidée hagarde du vent

Qui m’arrachait des lambeaux de vérité, au tournant.

Je solidifie ma muette manie de mentir.

J’enclos dans mes os l’étincelle qui fait virer ma vie.

Je me nourris de mon cerveau


Bloc confit d’in-masticables questions —

Et, comblé, colmate ses manques.

Saturé d’alcool autocratique glacé,

Arraché à la barre imbrisable,

Craché au sommet du mât tremblant,

Écœuré, j’exulte, j’assassine l’infamie.

Ignoble inquisiteur de mon ignominie, je me purifie,

Scie parricide meurtrie !

Je suis un bloc de nuit pâli.
Ivre de désir,
Je m’embourbe au ralenti dans la pâteuse aurore.
Un chien s’amuse à mastiquer ma chance,
Ramène à la surface consciente de ma fange
La folie de mes affres, ma furie pantelante !

Si elle succombait à l’asphyxie lucide,

Le ciel tout entier tournerait comme du lait.

Mais ses empoisonneurs attentifi la maintiennent en vie,

Entretiennent son râle — luxe leur salut !

Les yeux fermés, ils l’essuient,

Quand elle crache les poumons de l’inconnu, aphone.

Autrui dort, quand la fureur bat la campagne,

S’éveille tout à coup — quand la boue engloutit la furie !

Les ondes de l’écho propagent ma conscience.
Du désert de ma bouche, le choc m’a expulsé.
Dans la brèche créée par l’écroulement des mots,
La fraîcheur du souffle est retrouvée changée.
L’espace frustré se venge. —
Mon corps,
Fenêtre ouverte au tout par l’irruption du cri,
Se voit telle une planète
Au fond de la fusée déchargée dans son être.
Toute chose, dès lors, me donne son nom
Et tout être nourrit du sien mon sang.

Alain Jouffroy

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