Le salut est partout
Il me dit soudain : La vie est la forme approximative de la vraie vie. Je levai les yeux vers lui. Il se pencha légèrement vers moi et ajouta : Mais oui : la vie n’est pas séparée de la vraie vie.
Celui qui, les bras croisés de l’autre côté de la porte, nous écoutait, fit comme s’il n’avait rien entendu.
Nous nous trouvions sur le seuil d’une grande maison abandonnée du Sud. Je les avais rejoints parce que, dans mon rêve, ils m’avaient invité — là. Mais en regardant plus attentivement celui qui ne disait rien, je reconnus la frontière du siècle, au-delà de tous les mots.
Le salut est partout, continua-t-il, mais il n’offre aucune garantie de survie.
C’est à ce moment que l’autre se détacha du mur auquel il s’adossait. Nous le vîmes marcher dans les herbes, se baisser brusquement, ramasser un bout de bois, puis, d’un pas plus rapide franchir la barrière, la refermer derrière lui et disparaître de l’autre côté des arbres.
Il va allumer un feu, disje.
Il y jettera son bout de bois, répondit-il.
Comme nous regardions la barrière blanche, un grand silence prolongea la disparition de celui qui s’était tu. A la fin, pour l’interrompre, je trouvai cette phrase : Les
éclipses servent à mieux percevoir te soleil
baissa les yeux et murmura : Tout se passe parfois comme si l’on souriait sans raison au vide.
Mal refermée sans doute, la barrière se rouvrit alors toute seule et, quand elle fut complètement ouverte, une énorme bouffée de chaleur nous inonda, dans le chant des cigales.
L’éternité venait d’entrer dans le jardin.