L’enlisement de l’enfant

Alain Jouffroy
par Alain Jouffroy
0 vues
0.0

Tourne, trouble moyeu,

Actionne ma lévitante batteuse,

Déclenche le mouvement processionnel de mon sang.

Tu te meus dans la boue plénière

Et, peu à peu, tu déchiquettes mes langes.

Moyeu !

Fais que je ne bave plus dans mes larves !

Je veux parler,

Extirper du sol glauque les racines de l’aveu,

Arracher de ma bouche la flamme

Qui titube entre mes dents,

Transpercer ma glotte de vérités :

Ma gorge vibre d’un orage garrotté

Qui ravage ma langue comme une pléthore de taupes.

Fermée au monde,

Noix molle, immonde, monumentale —,

Sous le dais hindou de l’absence de mémoire,

L’enfance règne, se roule dans le néant

Comme un troupeau évasif, qui paît, bouge et se tait,

Coincée dans l’inévitable plénitude du plomb.

Litanie liminaire, j’énumère mon inaction,

Maîtresse inaltérable, vampirique et valide.

En pays rasé, je dresse la table rase de l’action.

L’histoire a tondu mes projets.

Je suis la valise vidée,

La paresse des rafales, la loutre des idées.

Mon moteur, coupé des nécessités,

Tourne à vide, vente, avorte

À chaque instant plusieurs genèses,

Gaspille la véhémente vendange de la vie.

Si j’étais solidaire de la forêt,

Cancre, je mériterais la hache,

Mais, cancre d’éprouvettes, cancre de cornues,

Mon oisiveté m’empale sur mon défi

Et dans l’air raréfié, exsangue, je m’étiole

Au soleil scientifique de l’exception déifiée.

Les paupières de la foudre palpitent dans les crapauds.

Les tempêtes s’ébrouent, les tilleuls broient du noir,

Se mêlent à l’euphorique conflit cérébral,

Jaillissant de toutes parts comme des sphinx.

Les railleries des arbres

Me soumettent à leur théâtral caprice, m’agenouillent.

Le vent vide jetant sa lumière à pleines mains.

Le jardin soulève ses jupes, exhibe son sexe,

Alcool, monte à ma tête,

Baise les pieds de ma délicatesse embuée.

Roué de coups par les roses,
Je m’évanouis, je tremble au contact du matin !
La rosée serpentine s’infiltre dans mes capillaires.
Comme un chien dans le corps d’un tigre,
La nuit engloutit le cœur du torrent.

Ébranlé par la terre qui me porte,
J’arpente les hauts plateaux de l’incertain.

Mon enfance court la poste, frôle les fusains,

Débouche dans la baie stupide,

Stoppe devant moi, ricane,

M’emporte la main, jette sa casquette aux ours,

Émet d’énormes borborygmes — et, outre,

Se dégonfle : je la tiens dans ma poche.

Que faire d’un fatum infantile ?

Un feu follet approximatif, non le futur !

Retourné comme un lapin, dérisoire,

Mon langage bée sur le vide de ma négation,

Vexe mes pouvoirs.

Bourrique dépassée, je t’assomme !
Têtue, tu résistes !
Je te martèle !
Tu es concave, tu es réduite,
Jivaro, à la pichenette d’un zéro !

Alain Jouffroy

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Alain Jouffroy

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

Les poètes sont les gardiens des rêves. Rejoignez notre confrérie, comme un Rimbaud moderne, et rêvez avec nous.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Découvrez d'autres poèmes de Alain Jouffroy

Aucun poème populaire trouvé ces 7 derniers jours.

Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.