Message du sentiment

Alain Jouffroy
par Alain Jouffroy
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Nuit sans but
Vision à revers

Nuit qui lévite les sources

Je suis ton fils
Je suis ton désespoir

Je suis ta chute
Je suis ton grand lavoir

Ton sort est dans mes mains

Je prends ton gant de fer

Je frappe ton rocher

J’emploie ta clé liquide

Tu es ma grande aïeule
Tu es ma vanité

Glisse sur moi
Lâche-moi

Va-t’en heurter d’autres carreaux

Laisse-moi chasser tes bêtes

Je veux sourire à ma santé

Je veux saluer ma vérité

Je veux crier ma vie à fleur de terre

La vie est mon terrain
La vie est mon couvert

La vie est ma poignée
La vie devient mon soc

Braise sans bord

Je suis peuplé de rires peuplé de chocs

Ma peau est la frontière de l’effort

Ma route est innomée

Je suis son ciel crispé par sa mitraille

La nuit est dans ma main comme un cloporte

L’attente en moi s’accorde à la cascade
Clinquante de chaleur
La sueur comme un drapeau tendu par l’air
Je hisse mon paquet de destin

Tel un message lancé sur la terrasse

Je chuchote — cymbale instable

Les mots outrés de ma prochaine clarté

Raison empoisonnée

Ton théâtre me méduse

Mais ta tête est coupée

Tout se risque

Harcelé au centre épouvanté du ventre

La terre du torrent d’atomes

Opère sa trouée en plein ciel couvert

Agité par ses aras hurleurs

Sa blessure aiguë comme une scierie

Mon cœur insiste.

Ouvert, chassé d’un désert de tiédeur
J’aimante le brasier, je charge en moi la terre.
Je sors de mon carcan, mon sang est survolé.
Je hurle et j’extermine en moi tous les guerriers.
Mon corps est un combat.
Ma tête est envahie.
La mort est paradis si mon amour me supplicie. À vif et violenté — je cogne à la porte blindée.

Séismes du monde !
Choeurs et catastrophes !
Notre ombre sur la terre est le péril de l’épervier

ous sommes cellules infimes d’un monstre inexploré
Notre patience est d’un caillou sous le ventre du fracas
Notre force est dans l’éclat où nous perçons la rage à jour

Nul séjour n’est comblé

L’œil collé aux interstices

Nous cherchons les golfes de l’univers

Au lieu de surgir où nous sommes — ici

Au lieu de nous changer dans la turbine

Au lieu d’aimer notre racine

Au lieu de lier notte anxiété au tambour de terreau

Au four à pain de notre terre

— et de parler dedans

— et d’écouter dedans

Le battement impétueux des espaces

Au lieu d’éveiller les peuples dans l’ouvert

Alain Jouffroy

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