Minuit
Avalé par l’aile de la chaloupe de viande
Aperçue, du café, au fond irrépétable et noir
De la rue de l’Échaudé, marqué par l’adage
Au néon, un couple empanaché, à la traîne
Du trottoir errant et familier, se penche
Sur le phoque furtif d’un moteur saoul.
Les très hautes mâchoires de la rue de
Rivoli
S’ouvrent sur un souffle de poignards de voitures.
Le ciel de mai se précise.
Cerné par sa féroce
Banlieue aux reins cassés,
Paris fait flotter
Sur la cité l’ombre de sa vieille fiancée.
Menaces de grève aux chantiers peu fêtés,
Seuls les hôpitaux maintiennent le jour décoloré
De la veille dans la ville.
L’histoire se joue
Sur les lèvres des chômeurs pétrifiés au comptoir.
Voyageur assis sur d’innombrables bagages mouillés,
Paris immobilise le temps sur son quai d’amarrage.
Chance migratrice suspendue au sang gris de ses rues,
L’air déploie son drapeau clandestin
Dans le cœur perpétuel du dernier passant.