L’Alsace
Derrière le treillis du passage à niveau
Les filles de Strasbourg composent un tableau
Pour Marchai, gai bouquet de figures naïves !
Elles portent le court jupon de couleurs vives,
Et la coiffe ancienne aux larges nœuds bouffants.
Blondes avec les yeux étonnés des enfants,
Elles ont à la lèvre un rouge et bon sourire
Pour le voyageur pâle et las qui les admire.
Tous les corsages sont jeunes et bien remplis.
Elles savent marcher et l’étoffe a des plis
De sculpture, malgré la raide gaucherie
De la jupe, où l’on sent encore la draperie.
J’aime la gravité sobre de ces plis droits
Que coupe la blancheur des tabliers étroits,
Et tout cela, voyant et dur, est de la grâce.
Leur taille est un peu forte, et leur joue un peu grasse
Est le cadre ingénu qu’il faut à leur regard.
Ô la large beauté sans façon et sans art !
Et surtout la sincère et saine poésie
Qui conserve l’usage et la mode choisie
Par les pères, selon le goût de leurs aïeux !
Les costumes charmants, sympathiques et vieux !
On n’est pas routinier pour s’habiller de même
Qu’autrefois, quand cela va bien et quand on l’aime ;
Et l’on peut se vêtir autrement qu’à Paris.
L’Alsace intelligente et bonne l’a compris :
Et, malgré la douceur du passé qui l’attire,
L’Alsace intelligente et forte apprend à lire.