Le matin
Dans le matin qui naît les feux mourants s’éteignent :
Le jour incertain flotte et tremble dans la nuit.
On ne voit presque plus les étoiles. L’air luit,
Et les rayons de l’astre inaperçu l’imprègnent.
Deux fiers chevaux, au vent plus frais qui passe, baignent
Leurs naseaux, hennissant à l’aurore. — Sans bruit
Une esclave les panse, et l’œil dessine et suit
Ses reins sveltes, moulés aux plis qui les étreignent.
Près des tentes, berçant des rêves indolents,
Les maîtres sont couchés dans leurs grands burnous blancs :
C’est le désert muet dans sa grave harmonie.
Ô fort poète, épris de l’austère beauté,
Quel secret a servi ta pensée infinie
Pour qu’en ce cadre étroit tienne l’immensité !