La rivière aux trois ponts

Alphonse Beauregard
par Alphonse Beauregard
0 vues
0.0

Du haut de la côte pelée
Je l’aperçus courant, marchant,
Sinueuse, dans la vallée,
En plein soleil ou se cachant
Derrière un arbre, son ombrelle,
Ou dans un rideau de millet ;
Et lorsque j’arrivai près d’elle,
Sur son gravier elle riait.

‘ Trois ponts, ditelle, pour un mille
De ce grand chemin poussiéreux !
Les arpenteurs, gent incivile,
Lancèrent des mots furieux,
À me voir toujours dans leurs jambes.
Depuis ce n’est que des mamours.
À ma rencontre les yeux flambent,
Tellement plaisent mes détours.

‘ Et je vais. La vie est charmante
À se trotter ainsi partout :
Un troupeau de boeufs me fréquente,
J’aime à mirer leurs grands yeux doux.
Je reçois des moutons, des chèvres
Et même làhaut, dans le bois,
Ours et chevreuils, renards et lièvres
Causent un instant avec moi.

‘ Le long de mon itinéraire,
L’orge, le blé, le sarrasin,
Se succèdent pour me distraire.
Les butomes sont mon jardin.
Je vois la lune et les étoiles
Et m’amuse du ciel truqué
Que je deviens, les nuits sans voiles.
Mon bonheur est peu compliqué.

‘ Le vent, beau raconteur d’histoires,
Dépeint tout un autre univers
Où des rivières peuvent boire
Le lac immense où je me perds.
Il parle de jours sans aurore,
D’étés qui ne finissent pas,
D’éruptions, que saisje encore…
Je me moque de ce fatras.

‘ Une fois je pensai fort sage,
Sur son conseil, de réfléchir.
Malheur ! Je fis un marécage
Où les ouaouarons vont pourrir.
Il en émerge, d’aventure,
De jaunes et blancs nénuphars,
Mais c’est maussade et sans bordure.
À peine bon pour les canards.

‘ Plus bas il est poussé deux saules
Qui jasent le jour et la nuit
Dans un langage obscur et drôle,
Plein de sentences et d’ennui.
Ils interrogent les narcisses,
Les hiboux, le soleil levant
Et jusqu’à moi. Prompte, je glisse !
Ils ont trop écouté le vent.

‘ Malgré les notions diverses
Que m’offrent les temps et les lieux,
À suivre un but rien ne m’exerce
Excepté le ruisseau boueux.
Il m’exaspère, alors je tâche
De paver mon lit de cailloux
Afin que demeure sans tache
Le lac clair où je me dissous. ‘

Les alternances

Alphonse Beauregard

Qu’en pensez-vous ?

Partagez votre ressenti pour Alphonse Beauregard

Noter cette création
1 Étoile2 Étoiles3 Étoiles4 Étoiles5 Étoiles Aucune note
Commenter

La poésie se nourrit de vos réflexions. Laissez un peu de vous sur nos pages.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Découvrez d'autres poèmes de Alphonse Beauregard

Aucun poème populaire trouvé ces 7 derniers jours.

Nouveau sur LaPoesie.org ?

Première fois sur LaPoesie.org ?


Rejoignez le plus grand groupe d’écriture de poésie en ligne, améliorez votre art, créez une base de fans et découvrez la meilleure poésie de notre génération.