La neige
Si peu nombreux encore, tes jours coulent bien sombres,
Jeune année, et ton front est enveloppé d’ombres.
De ces nuages noirs, qui déguisent les cieux,
Descendant les frimas à flots silencieux.
Comme le froid chagrin sur une âme oppressée,
La neige sur le sol tombe lente et glacée.
Dans mes yeux abattus je sens rouler des pleurs !
Hélas! mon cher pays, qu’as-tu fait de tes fleurs ?
Quel sinistre pouvoir a flétri ta parure ?
En vain mon cœur gémit et ma bouche murmure ;
Demain, hélas! demain, de ses blancs tourbillons
La neige aura comblé tes fertiles sillons ;
Les oiseaux, que la bise atteint dans leurs retraites,
Demain s’exileront de tes forêts muettes ;
Demain ces flots nombreux qui, dans leur liberté.
Te vont porter la vie et la fécondité,
S’arrêteront captifs, et ce réseau de glace
Comme un voile de mort couvrira ta surface !
Mais ce linceul pesant, sous sa morne pâleur,
Double en la comprimant la féconde chaleur :
Telle, dans nos hameaux la couveuse fidèle
Cache un germe inconnu sous l’ombre de son aile,
Et peut-être, trompée en son aveugle amour,
S’étonnera des fruits qui vont éclore au jour.
Déjà dans sa puissance où la terre se fie
Fermente sourdement le principe de vie ;
Déjà la sève errante en ses mille canaux
Promet aux troncs vieillis des rejetons nouveaux,
Et sur le froid sommeil de la nature entière
Plane un songe d’espoir, de joie et de lumière.
Pour hâter le moment d’un glorieux réveil,
France, que te faut-il ? Un rayon du soleil !
Le soleil, il est là, brillant sous ce nuage,
Comme la vérité, dont son astre est l’image :
Comme elle aussi, couvert d’un voile passager,
Qui l’obscurcit un jour, mais ne peut le changer.
Ah ! si l’ombre est rapide et lui seul immuable,
S’il faut subir du temps le cours inexorable,
Si le plus long hiver est suivi d’un printemps,
Il vient ! l’hiver s’enfuit ; le temps vole !… j’attends !