La Poésie
Déjà tu la connais, tu grandis sous son aile,
Jeune enfant aux yeux noirs ; demeure-lui fidèle :
Les fils de l’Hélicon, de leurs plus doux accords,
A tes heureuses mains ont livré les trésors.
Mais toi, brillant rameau d’une tige choisie,
Féconde, et dès longtemps chère à la poésie,
N’as-tu point entendu ses accents immortels ?
N’as-tu point en secret encensé ses autels ?
Oh ! que son culte est pur, que sa voix est puissante,
Quand elle instruit tout bas une muse naissante !
Alors l’ardent espoir d’un succès incertain,
Ou l’inquiet souci d’un avenir lointain,
Sont ignorés encore ; et l’âme qu’elle inspire
Est émue ou calmée au seul son de la lyre.
Tout lui parle, la touche, et fait naître ses chants,
Le réveil d’une fleur, parure de nos champs,
La plainte d’un oiseau, sous l’ombrage égarée,
Les feux tremblants, épars dans la voûte azurée,
Et 1’automne, où la terre est prête à s’assoupir,
Où les vents à son deuil mêlent un long soupir,
Et les feuilles des bois, aux premières gelées,
En légers tourbillons dans les airs envolées.
Vagues émotions, doux et rêveurs loisirs,
Le poète chérit vos innocents plaisirs !
C’est alors que parfois, au souffle de la muse,
Apparaît tout à coup une image confuse ;
Sa beauté, par degrés dévoilée à nos yeux,
Se revêt mollement d’un vers harmonieux,
Et la rime bientôt, sonore et cadencée,
S’éveille, et sans effort s’enchaîne à la pensée.
Qu’il est doux de sentir le mètre obéissant
Environner, saisir, presser d’un mot puissant
Un son parti du cœur, une note attendue,
Mais que, l’oreille encore n’avait pas entendue !
Jeune fille, à ces mots tu souris, je le vois ;
Sans plier ton esprit à de bizarres lois,
D’un langage inspiré tu connaîtras l’ivresse :
De poétiques fleurs couronnent ta jeunesse,
Mais une main plus chère a su te les cueillir :
Des travaux paternels tu peux t’enorgueillir.
Toi qui des monts d’Ecosse as gardé la mémoire,
Et du lutin d’Argail sais la touchante histoire,
Le charme des succès ne t’est point étranger ;
Mais tu l’auras goûté sans peine et sans danger.